Critique de Guy:
Madame Barbery a de la culture. Elle écrit un français académique. Forcément puisque professeur de philosophie. Je lui souhaite de consacrer son talent à
l'avenir à des entreprises moins prétentieuses.
Rénée, 56 ans, est concierge dans un immeuble cossu de la rue de Grenelle. Personnage sans charme et bourrue, elle vit en compagnie de Léon un chat obèse (voir
plus loin). Autodidacte, elle écrit comme Philippe Sollers.
Paloma, 12 ans, petite pétasse affublée d'un quotient intellectuel hypertrophié, écrit comme Simone de Beauvoir. Sa soeur s'appelle Colombe (voir plus loin).
Manuela, l'amie de Renée, est le seul personnage sympathique du livre. Inculte puisque portugaise, on lui pardonne volontiers son absence d'envolées intellectuelles.
Vous suivez toujours ?
Débarque dans l'immeuble un délicieux - et richissime- Japonais Kakiro Ozu qui flashe immédiatement sur Renée et vice-versa, parce que - tenez-vous bien- comme entrée en matière il cite
le début d' Anna Karénine. Et que le chat Léon est ainsi nommé parce que TolstoÏ. Textuel. Il aurait pu s'appeler Fabrice parce que del Dongo. Authentique
On a droit à une série de pages profondément ennuyeuses sur Husserl, la phénoménologie, Kant , les camélias (ceux de la Dame aux - ), la philosophie orientale, les sushis, etc etc...
On ébauche un sourire par moments.
Le coup de grâce vient vers la fin du livre avec une resucée de Cendrillon. Disneyland nous voilà.
Quant aux noms des deux jeunes soeurs, Paloma et Colombe, cela m'a fait venir le calembour - facile , j'en conviens - que le premier pigeon c'est le
lecteur.
Je ne sais pas à quel public ce livre est destiné. A voir le succès en librairie, les grands-bourgeois -aux-idées-larges ne se sont pas sentis visés. Quant aux
habitués d'Harlequin , ils ne doivent pas y comprendre grand-chose.
Au plat pays qui est le mien il existe un mot : 'zieverer' (prononcer zïïveré) qui se traduirait par : déconner, raconter des fadaises, bavasser. Celui ou celle
qui s'en rend coupable est qualifié de 'zievereir' (prononcer zïïverèr). Voilà un mot à exporter en France.
Amitiés pigeonnantes,
Critique de Cécile :
Deux récits se suivent en alternance, tous deux à la première personne : celui de Mme Renée Michel, concierge d’un immeuble bourgeois parisien et celui de Paloma
Josse, jeune ado de 12 ans et fille d’une famille bourgeoise. On remarque très vite de nombreuses ressemblances entre ces deux personnages : l’intelligence, la grande culture intellectuelle,
le goût pour mener une existence cachée… L’arrivée d’un nouvel habitant dans l’immeuble, lui aussi un être à part, intelligent et raffiné, le japonais M. Kakuro Ozu, va les amener à se
rencontrer.
Si le lecteur se laisse assez facilement entrainé par cette narration à deux voix, il est toutefois très vite gêné par le manque de vraisemblance de certains
personnages. En effet, si l’on peut encore croire à une concierge lettrée vivant cachée, on a beaucoup plus de mal à accorder du crédit à une jeune ado aussi érudite. Mais le vrai problème réside
dans le fait que les deux portraits sont très proches, voire trop proches…Les deux voix tendent à se confondre en une seule, au détriment d’une caractérisation nette de chacune des deux héroïnes.
Les références à divers philosophes, auteurs, cinéastes, peintres…s’accumulent de façon pas toujours très claire en l’absence d’un fil conducteur net si bien que le livre perd de la cohérence et
risque de virer au livre fourre-tout.
De plus, l’auteur, par la voix de la concierge, semble se plaire à souligner les subtilités linguistiques auxquelles les personnages se livrent ou ne se livrent pas
(ex : emploi ou non du conditionnel, inversion ou non du pronom…) Cela est amusant au début, mais par la suite un peu trop répétitif, on aimerait plus de subtilité dans le style et plus de
liberté laissée au lecteur...
Mais, pour ne pas totalement « assassiner » ce roman qui reste toute de même agréable à lire, on peut quand même en souligner l’humour savoureux par
moments ! Ainsi, la scène de la mort de la concierge, renversée par une voiture de pressing alors qu’elle tentait de venir en aide à un clochard ivre apparaît comme un véritable coup de
théâtre. On assiste en effet à un brusque retour à la triviale réalité après une brève envolée lyrique, celle de l’idylle amoureuse de la concierge avec M.Ozu. Cette chute dote le récit d’une fin
burlesque tout à fait savoureuse et légère. Dommage que cette légèreté ne soit pas plus présente dans le roman…
C’est agréable à lire, ce gros pavé qui raconte les tribulations d’une aristo-concierge avec son chat et les déboires d’une demoiselle colombe emprisonnée dans sa
cage dorée, 7 rue de Grenelles.
Ces deux récits ou plus exactement « journaux intimes »qui se recoupent et finissent par se rejoindre, constituent à première vue l’originalité de
« ce prix des libraires 2007 ».
Tantôt distrayant, tantôt philosophique, on admire au passage la qualité de la langue, soigneuse et délicate sans être précieuse et sachant rester légère.
On est complice, tout au long de l’histoire de cette concierge qui s’applique consciencieusement à tenir son rôle de concierge (par exemple claquer les portes au
nez) pour ne pas heurter la sensibilité bourgeoise.
On rit à chaque page, en particulier lorsqu’elle se démasque.
Trop élégante dans sa pensée, trop cultivée, pas assez ignare mais concierge quand même.
Les délicieuses fautes de Manuela (mijaura à la place de mijaurée c’est joli) et ses emballages pâtissiers bleu nuit nous charment, on souhaiterait presque faire
pareil…
Estropier la syntaxe et maltraiter la ponctuation, nouvelle révolution, donc !
Quant à Paloma, elle décrit avec perspicacité son univers quelque peu étriqué et on s’amuse également beaucoup à chacune de ses remarques savoureuses.
Personne ne sait mieux décrire les attitudes vaines des chochottes du quartier, la gamine rigolote et sans complaisance.
On pourrait assez facilement imaginer une adaptation cinématographique à succès du style « Le goût des autres » avec Bacri et Jaoui, c’est une recette
mirobolante.
Une nouvelle variation de Madame Michel a perdu son chat…
Par contre, l’auteure possède une fâcheuse tendance à résoudre les tensions sociales par un décès, tout d’abord avec celui d’Arthens, le critique gastronomique de
Ratatouille( ?) et enfin Renée écrasée par une camionnette de pressing après avoir volé une robe à une morte, véritable ironie du sort…
La tendance japonisante m’agace également : bien sûr, c’est à la mode, et l’on serait même tenté de rebaptiser le livre « Monsieur Ozu et la petite
concierge parisienne »
Il ne s’agit pas de boire du thé « chunois », de se barbouiller la frimousse de sauce à soya ou de se pâmer devant le » pas haché « des femmes
japonaises et de se sentir immédiatement zen et adhérer à la pensée bouddhiste et la poétique de l’instant !
On a enfin l’impression, vers la fin, d’assister aux préparatifs d’une concierge qui s’embourgeoise résolument. Heureusement, rien n’est trop pathétique ; la
narration de la mort de la sœur de Renée reste touchante et sauve en quelque sorte le récit de la banalité.
Si le très courtois Ozu perturbe les lois sociales de l’immeuble, il reste une curiosité exotique .
Ceci dit j’aurai appris que les caniches oranges sont plus teigneux que les noirs, que l’art permet des émotions sans désir, que Husserl mérite de terminer sa
carrière en marque pour aspirateur sans sac et je sais enfin, maintenant, ce que veulent dire khâgneux, chichi conceptuel et câblage neuronal.
Un extrait p. 328
Je me sens lasse, au vrai, lasse de tous ces riches, lasse de tous ces pauvres, lasse de toute cette farce... Léon saute du fauteuil et vient se frotter contre
ma jambe. Ce chat, qui n’est obèse que par charité, est aussi une âme généreuse qui sent les fluctuations de la mienne. Lasse, oui, lasse...
Il faut que quelque chose finisse, il faut que quelque chose commence